Skip to main content

Pourquoi personne ne volera votre idée de startup ?

Pourquoi personne ne volera votre idée de startup ?

Lors de mes interventions auprès de porteurs de projet, il arrive souvent que ces derniers me demandent de signer un accord de confidentialité (ou NDA, en anglais) avant de me présenter leurs projets et je ne vous cache avoir tendance à me "méfier" des projets qui, au stade de l'idée nécessite, pour pouvoir être présenté, la signature un accord de confidentialité.

J'ai une certaine philosophie en regard de la démarche entrepreneuriale et de mon point de vue, cette manière de procéder est potentiellement une erreur et peut m'interroger sur la "maturité entrepreneuriale" et l'objectivité du porteur de projet.

Si vous disposez d'un prototype, si votre projet relève d'une spécialité ou nécessite une expertise technique particulière ou très pointue, dans ce cas, je comprends et vous avez certainement raison de prendre certaines précautions mais s'il 'agit uniquement de discuter d'une idée, même si votre projet vous semble révolutionnaire, c'est plus embêtant.

Il n'est pas question de traiter ici le sujet de l'espionnage industriel car si vous êtes en entreprise déjà établie sur votre marché, le sujet est différent.

Il s'agit de parler d'idée de startup, celle que tout un chacun peut avoir en imaginant une solution à un problème de son quotidien ou pour répondre à un besoin de personnes dans votre entourage.

Mais il va falloir vous faire une raison, contrairement à ce qu'on pourrait penser, une idée seule ne vaut pas grand-chose.

Mais, c'est mon idée !

« Mais, c’est mon idée ! » est une phrase que vous avez certainement déjà entendue, certains d'entre vous vous l'êtes certainement même déjà dit. Moi-même, il m'est très souvent arrivé de la prononcer.

Oui, c'est vrai, se faire voler son idée, ça arrive. Mais qu’est-ce que ça veut vraiment dire « se faire voler son idée de startup » ?

Vous pensez que quelqu’un vous a « volé votre idée » mais c’est étrange : vous n’avez jamais rencontré cette personne. Elle vit même dans un autre pays !

Pas un instant, vous ne pouvez croire qu’elle a, tout simplement, eu la même idée au même moment ! Et pourtant… Les idées sont conditionnées par l’environnement, et elles ont tendance à éclore en même temps dans des esprits qui ne se sont jamais rencontrés, tout simplement parce qu’ils vivent dans le même monde à un moment historique similaire.

Vous le savez peut-être, mais il existe des théories de l’apparition des idées dans le champ des sciences, qui sont riches d’implications dans le monde des startups. On pourrait les résumer par deux courants :

  • D’un côté, l’hypothèse de l’invention héroïque : selon celle-ci, les idées géniales apparaissent grâce aux personnes de génie qui les portent. Point à la ligne. Dans le monde des startups aussi, on trouve des récits d’entrepreneurs héroïques à l’esprit disruptif en diable. Cela dit, très souvent, quand on s’intéresse aux coulisses de ces grands mythes, on découvre des individus moins monolithiques qu’on ne l’imaginait. Et surtout, moins seuls.
  • De l’autre, la théorie de la découverte multiple, qui me paraît plus intéressante : à travers une observation pragmatique de l’histoire des sciences, on observe de très fréquentes simultanéités dans l’apparition des idées. Robert K. Merton, un sociologue de l’université de Columbia écrit : « Parfois, les découvertes sont simultanées ou presque ; d’autres fois, un scientifique va faire des découvertes qu’il croit neuves, mais que quelqu’un d’autre a déjà faites ailleurs. »

« Et alors ? », me direz-vous. Eh bien peut-être que cette histoire de vol d’idée n’est ni la bonne réponse, ni la bonne question à se poser.

Seule, une idée n’a (presque) pas de valeur

Le génie est fait d’1% d’inspiration et de 99% de transpiration.

Thomas Edison

C'est en substance le genre de réflexions que vous trouverez sur la plupart des blogs traitant du sujet.

Dave AMS, par exemple, entrepreneur, a l’air passablement énervé par ce genre d’inquiétudes, et le fait savoir dans un post « Pourquoi personne ne vous volera votre idée de startup de m**** », dont voici les arguments les plus cash (et les plus “clickbait”) :

  1. Parce que tout le monde s’en fout
  2. Parce que deux idées menées à bien par différentes personnes donneront des projets totalement différents
  3. Parce que les meilleurs business sont des idées basiques parfaitement exécutées
  4. Parce que si vous croyez qu’Uber et Airbnb étaient les premières dans leur genre, vous vous mettez le doigt dans l’oeil. Des milliers ont échoué avec exactement la même idée en tête
  5. Parce que ce n’est pas vous qui détenez les réponses, mais le marché. Parlez fort, sortez, devenez un expert, discutez, rencontrez et prenez des feedbacks
  6. Parce que, de toutes façons, y penser ne vous sert strictement à rien
  7. Parce que les gens ne signeront jamais votre pu*** de NDA pour en apprendre davantage sur une idée dont ils n’ont rien à fo**** de toute façon

Oui, c'est vrai, Dave AMS y va un peu fort...

Paul Graham explique, avec certes plus de mesure, une bonne manière de quantifier la vraie valeur d’une « idée » à l’état larvaire :

En réalité, les idées de startups ne sont pas des idées à un million de dollars, et je peux vous proposer une petite expérience pour le prouver : essayez d’en vendre une… Le fait est qu’il n’y a pas de marché pour les idées de startup, et ça, ça veut dire qu’il n’y aucune demande. Ce qui veut dire, tout simplement, que les idées de startups n’ont aucune valeur.

Une idée, ça compte. Une idée géniale, un peu moins.

Commençons par redescendre un peu : pas besoin d’avoir une idée géniale pour réussir sa startup. Viser l’idée ultime serait même carrément contre-productif, à en croire Ramit Sethi, l’auteur du best-seller I Will Teach You to Be Rich (Workman Publishing, 2009).

Sur son blog, il donne ainsi l’exemple d’amis à la recherche de l’idée du siècle pour se lancer. Résultat des courses : deux ans de brainstorming intensif plus tard, ils cherchent toujours… victimes consentantes du « bon gros mythe » de la grande idée sans laquelle rien n’est pas possible et éternels wantrepreneurs.

Une bonne idée, c’est bien, mais soyons honnêtes : l’idée de base a de toute façon peu de chances de résister aux nombreuses étapes qui précédent la mise sur le marché du produit ou de l’offre. Et encore moins à la rencontre avec le marché.

Une idée de startup est intrinsèquement faite pour changer à mesure que le projet avance. Prenez par exemple Snapdeal. L’entreprise est aujourd’hui un géant sur le marché de l’e-commerce indien et taquine même Amazon. Mais originellement, le site se contentait de proposer des bons de réduction !

Avec un peu d’humilité, il est également facile de comprendre qu’une bonne idée a vocation à évoluer, à être repensée, améliorée et à en enfanter plusieurs autres… complètement différentes de celle que vous aviez initialement en tête.

Une très bonne idée, c’est donc en somme plein de (bonnes) idées qui forment un tout.

Paul Graham (encore lui !) résume bien ce principe dans son post « Startups in 13 sentences », lorsqu’il exhorte les entrepreneurs à « laisser leurs idées évoluer ». « Une grosse erreur consiste à penser qu’une startup se résume à la mise en œuvre d’une idée géniale », ajoute-t-il.

Si vous n’êtes pas encore convaincu, voici quelques arguments imparables :

  1. Certaines mauvaises idées ont permis de créer des entreprises à succès (l’auteure Carol Roth cite à cet égard la slanket, sorte de plaid à manches porté à l’envers, très prisée outre-Atlantique)
  2. Certaines très bonnes idées n’ont abouti à rien du tout
  3. Si votre idée est incroyablement originale et disruptive, personne d’autre que vous n’y croira de toute façon avant un bon bout de temps
  4. Si les idées avaient de la valeur, on les achèterait en magasin

Pourquoi peut-il être gênant de ne pas parler de votre idée ?

Pour vos potentiels futurs partenaires

Un accord de confidentialité met un frein à l'échange et risque de donner une mauvaise image. Si vous ne pouvez pas parler librement de votre idée, c'est qu'il y a un souci. Cela montre que vous n'êtes pas sûr de la valeur ajoutée que vous pouvez apporter et que vous avez peur d'être remplacé.

Un porteur de projet soucieux de cacher son idée ne rassure pas sur sa capacité d'exécution.

Pour votre projet

"En parlant de son idée et en l'exposant, on gagne du temps", assure Martin de Charrette. "On affine le projet et on est confronté à ses faiblesses ou ses oublis." Discuter de sa start-up permet de se poser les bonnes questions et ainsi de chercher les réponses adaptées.

"D'expérience, les entrepreneurs qui réussissent le mieux sont les plus ouverts", constate de son côté Guilhem Bertholet. "Ceux qui ont engrangé le plus de retours et qui, par conséquence, sont partis plus vite dans la bonne direction." Alors, avec qui partager son idée ? En priorité avec l'écosystème propre à la société en question. "Pas avec des personnes qui ont peu à voir avec le secteur", conseille Charles Letourneur.

A qui en parler ?

Il ne sert à rien d'en discuter avec sa famille ou ses amis :

  • Ils ne connaissent probablement pas le problème et le marché
  • Ils ne seront pas forcément objectifs

Privilégiez, en priorité, les échanges avec vos clients potentiels. Ces discussions vous permettront de tester et confronter votre idée initiale et pourquoi pas être l'occasion de faire signer des pré-commandes à vos futurs clients.

Conclusion

Les idées, c’est bien, mais ce qui compte c’est vous, votre valeur ajoutée. C'est votre connaissance du marché, votre vision et votre capacité à faire et trouver des solutions qui feront la différence. Ne soyez pas parano !

C'est la rencontre entre le(s) porteur(s) de projet et son environnement qui permet d'affiner le projet et d'obtenir l'engagement de parties prenantes (partenaires, clients, ...)

La suite

Si vous avez une idée et que la lecture de cet article ne vous a pas découragé (ce n'était pas le but ;-)), je vous conseille de consulter le dossier Transformer votre idée en projet.

Si vous souhaitez entreprendre, que vous ayez une idée ou non, je vous conseille fortement de jeter un oeil au principe d'effectuation.

Sources

La phobie du vol d’idée de startup, ça se soigne

https://www.kissmyfrogs.com/la-phobie-du-vol-didee-de-startup-ca-se-soigne/
(Ce lien semble ne plus fonctionner. Vous pouvez consulter l'article depuis les archives du net : https://web.archive.org/web/20190930220937/https://www.kissmyfrogs.com/la-phobie-du-vol-didee-de-startup-ca-se-soigne/)

Faut-il cacher son idée de start-up ?

https://www.journaldunet.com/web-tech/start-up/1130863-faut-il-cacher-son-idee-de-start-up/